Photo prise par Bram Vlerick
Un savoir né dans la rue : StreetwiZe autonomise les enfants des rues grâce à un modèle commercial unique en son genre.
Fondée en 1997 par Arnoud Raskin, StreetwiZe dépendait initialement de financements extérieurs pour fonctionner. Mais en 2008, l'équipe, après avoir réfléchi à ce que pourrait être un avenir durable pour son organisation, a décidé de se lancer dans l'aventure des entreprises à impact social. Aujourd'hui, elle fonctionne selon un modèle hybride : une entité (StreetwiZe) génère des profits, tandis que l'autre (StreetSmart) mène des initiatives éducatives à vocation sociale via une école mobile. Les bénéfices de la première financent la seconde. Et, tout comme nous, elle est une entreprise certifiée B Corp.
Et puisque mars est le mois des entreprises B Corp, nous souhaitions rencontrer Wim (responsable de l'impact chez StreetwiZe) pour en savoir plus sur leur travail exceptionnel et sur ce que signifie faire partie de la famille B Corp.
Photo prise par Bram Vlerick
Wim, merci d'avoir discuté avec nous pour le Mois des entreprises B Corp. Peux-tu nous expliquer comment StreetwiZe et StreetSmart coexistent ?
Bien sûr. Nos deux entités commerciales sont StreetwiZe et StreetSmart. Ensemble, elles forment une entreprise sociale dont l'objectif principal est de développer les talents des enfants des rues et de proposer des ateliers aux entreprises, basés sur notre expérience de terrain.
Chez StreetSmart, nous n'apportons pas de soutien direct aux enfants, mais nous accompagnons les animateurs jeunesse du monde entier afin qu'ils puissent avoir un impact plus direct auprès des enfants qu'ils accompagnent. Nous utilisons un modèle de franchise sociale, en fournissant aux organisations existantes nos outils et notre soutien.
Quels types d'outils ?
Nous proposons du matériel, du coaching et des formations. Notre école mobile est notre outil le plus connu : un chariot de sept mètres de long qui se déplie pour permettre aux enfants de participer à différentes activités éducatives où qu’ils soient. C’est notre vision d’un accompagnement inconditionnel des enfants de tous horizons, né d’un simple projet de fin d’études. Nous avons également développé des outils numériques qui soutiennent notre travail avec les écoles mobiles. Ce contenu est accessible gratuitement à tous ceux qui en ont besoin. Enfin, nous proposons une application qui mesure l’impact de nos actions, permettant ainsi aux animateurs jeunesse d’évaluer leurs résultats. Grâce à ces ressources, nous donnons aux individus les moyens de s’épanouir dans leur vie personnelle et professionnelle, et nous veillons à ce que les enfants développent résilience, adaptabilité et une vision positive de l’avenir.
Quelle est la logique derrière l'école mobile ?
Si vous n'allez pas à leur rencontre, ils ne viendront pas à vous. Ces enfants vivent et travaillent dans la rue. Beaucoup n'ont ni le temps ni les moyens de suivre une scolarité. Pour être acceptés et gagner leur confiance, il est essentiel d'aller régulièrement à leur rencontre. L'éducation fait partie de notre action, mais notre objectif ultime est de renforcer leur estime de soi et de les aider à prendre leur vie en main.
Où opérez-vous ?
Plus de 30 pays. Nous avons de nombreux partenaires en Amérique du Sud, où nous avons débuté. Nous en avons presque autant en Europe, en Afrique et quelques-uns en Asie. En Europe, l'Allemagne est le pays le plus proche de nous. Nous avons également lancé un partenariat pilote en Belgique, en collaboration avec le club de football City Pirates d'Anvers. Ce club utilise le football pour générer un impact social positif.
Quelle est votre mesure d'impact la plus stimulante ?
Il existe de nombreux chiffres clés, comme par exemple les 70 000 personnes que nous touchons chaque année grâce à nos écoles mobiles. Mais pour nous, ce sont les histoires qui parlent le plus. Prenons l’exemple de Juniette, une jeune fille d’Amérique du Sud. Nous l’avons rencontrée à l’âge de 15 ans ; elle vendait des biscuits et d’autres articles pour aider sa famille. Elle a commencé à fréquenter notre école mobile et il était évident qu’elle avait beaucoup de talents. Elle est ensuite devenue journaliste, puis nous l’avons embauchée. Aujourd’hui, elle fait partie de notre équipe et est responsable de tous nos partenariats avec les écoles mobiles en Amérique du Sud et en Europe. Ces histoires ne sont que des cas individuels, mais elles illustrent les étapes de notre travail et son évolution.
Quel est donc le rôle de StreetwiZe dans cette mission ?
À un moment donné, au lieu de dépendre uniquement de financements extérieurs, nous avons souhaité devenir autonomes financièrement. Que pouvions-nous faire ? Quelles étaient nos compétences ? Nous avons décidé de nous tourner vers un domaine en parfaite adéquation avec notre ADN : la formation. Nous avons donc créé une entreprise de formation et de développement destinée aux entreprises et aux organisations, dont les revenus permettraient de pérenniser et de développer nos projets.
À quoi ressemblent ces formations axées sur l'entreprise ?
Nous partons de la rue, nous identifions les compétences que ces jeunes et les animateurs possèdent et qui leur permettent de survivre dans ce contexte, et nous les transformons en enseignements clés et en connaissances scientifiques applicables par les entreprises et les organisations – des ateliers pratiques et inspirants. Nous apprenons d'abord avec le cœur, puis avec la tête, puis avec les mains : inspiration, compréhension, pratique. Ainsi, l'apprentissage est optimal.
Vous apprenez donc des enfants que vous éduquez et responsabilisez ensuite. C'est formidable. Quels sont quelques exemples des compétences qu'ils peuvent vous transmettre ?
Nous avons un modèle appelé « Street Skills » (Compétences de la rue) qui repose sur quatre compétences clés que nous observons fréquemment : une vision positive (se concentrer sur les opportunités plutôt que sur les difficultés et les problèmes), l’agilité et la résilience (la capacité à réagir et à rebondir face aux difficultés), la compétition coopérative (savoir quand collaborer et quand privilégier la réussite individuelle) et la créativité proactive (faire preuve de créativité pour résoudre les problèmes). Nous proposons ce modèle à nos clients sous forme d’ateliers. Actuellement décliné en 10 thématiques, il y en aura bientôt 30. Notre objectif est d’inspirer et d’aider d’autres organisations à définir et à mettre en œuvre leur raison d’être. Nous souhaitons accompagner et former activement les organisations pour qu’elles deviennent plus performantes et axées sur leur mission, conformément aux objectifs de la certification B Corp.
L'impact est au cœur de votre ADN. Comment la certification B Corp s'est-elle intégrée à l'ADN de StreetwiZe ?
L'obtention de la certification n'a pas été si difficile grâce à notre modèle. Nos politiques sont excellentes. Il y a cinq ans, lorsque nous avons obtenu la certification, nous n'étions pas tout à fait sûrs de ce qu'elle nous apporterait. Aujourd'hui, nous constatons qu'elle met en lumière des aspects de notre activité que nous ignorions et que nous pouvons développer. Nous accordons désormais plus d'importance à l'écologie, par exemple, qui a toujours été essentielle pour nous, mais la certification B Corp nous guide vers des actions plus efficaces. Nous nous efforçons également d'impliquer toute l'équipe dans notre démarche B Corp, en responsabilisant chacun.
Donc, chacun a son mot à dire sur la façon dont l'entreprise s'améliore ?
La certification relève principalement de ma responsabilité, car elle implique une collecte de données importante. Cependant, au sein de l'organisation, chacun est conscient de son utilité et de nos actions dans ce cadre. Nous souhaitons intégrer ce cadre à leur quotidien professionnel et leur fournir des pistes d'action sur lesquelles nous pourrons réfléchir ensemble afin d'améliorer notre organisation. Ces pistes deviendront ensuite partie intégrante de notre stratégie.
Quel est le plus grand défi auquel vous êtes confrontés en tant qu'entreprise certifiée B Corp ?
L'entrepreneuriat social présente de nombreux défis, que l'on soit une entreprise certifiée B Corp ou non. Notre principal défi concerne la politique salariale. Nous avons deux entités et souhaitons rémunérer nos employés de manière égale dans les deux, afin d'éviter toute différence de rémunération entre StreetSmart et StreetwiZe. La concurrence avec les entreprises à but lucratif, qui peuvent se permettre de verser des salaires plus élevés, constitue un obstacle majeur pour une entreprise socialement engagée.
Enfin, quelle est votre vision de l'avenir du mouvement B Corp ?
Nous espérons que cela prendra une ampleur considérable. Que les entreprises deviennent des B Corp ou s'en inspirent, l'essentiel est que nous envisagions tous le monde des affaires différemment. Ainsi, cela créera une sorte de vague qui influencera tous les aspects de notre économie. On observe déjà une évolution des mentalités chez la nouvelle génération : des aspirations et des exigences différentes vis-à-vis des entreprises. Le moment est venu pour une initiative comme B Corp.
Streetwize.be / mobileschool.org
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