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Les choix de l'équipe de THE SKATEROOM avec Kevin Lenaerts

Chaque jour, le directeur artistique Kevin Lenaerts s'immerge dans les œuvres d'art et sélectionne avec soin les artistes et les pièces maîtresses, créant ainsi une identité et un langage visuel uniques pour chacune de nos collections. Dès lors, un dialogue créatif s'amorce – un dialogue qui, chez Kevin, ne s'arrête jamais vraiment. En ce début d'année, Kevin revient sur certaines de ses éditions passées préférées et nous offre un aperçu des histoires, des styles, des textures et des contextes qui ont imprégné chaque œuvre et sa création.

PORTRAIT DE NOLLIE - BAIE D'ANASTASIA

Anastasia fait partie des artistes avec lesquels je rêvais de collaborer dès mon arrivée à THE SKATEROOM — ma liste de souhaits est interminable. La rencontrer a été une expérience incroyable. Partager des moments créatifs et faire la fête avec elle a été formidable. Ces tableaux fascinent par l'ambivalence qu'ils dégagent. Ni hommes ni femmes, ces figures sont profondément humaines et incarnent tous les paradoxes de l'humanité. Un équilibre précaire règne entre la chair et l'âme. Une chair épaisse et tangible que l'on peut, ou que l'on a envie, saisir et ramener à soi, et un esprit presque intangible, subtil, d'apparence fragile, mais suffisamment puissant pour contenir son pendant matériel. Partagé entre la finesse des traits et la dureté des aplats de couleur qui se fondent dans la masse, jusqu'à créer des dégradés.

CUIVRE DE PLACEMENT - WALEAD BESHTY

Celle-ci est de loin ma préférée, en raison de la démarche de l'artiste, de sa relation avec le matériau et de son interaction avec le public. Il y a l'aspect mécanique et physique de la pression et du frottement. Et puis il y a l'aspect chimique, avec l'oxydation du cuivre accélérée par le contact humain, une touche d'anthropocène sur quelque chose qui se veut intemporel. Cela ancre l'élément humain au cœur de l'œuvre. Ce qui paraît être une surface froide et métallique devient sensuel, très organique. C'est extrêmement intime ! L'inanimé s'anime sous notre toucher. Au diable ces trophées artistiques qu'on expose cachés derrière une vitre ou une barrière mentale ! On danse avec le cuivre, et il nous fait tourner sur nous-mêmes, nous marquant à jamais. Et n'est-ce pas là le but ultime de l'art ? Nous marquer, nous bouleverser.

SANG DE LA TERRE - KORAKRIT ARUNANONDCHAI

Pour moi, cette édition est la quintessence de THE SKATEROOM. Au-delà du visuel, c'est une expérience. Voici la version imprimée d'une œuvre unique créée par Korakrit en collaboration avec notre studio. De Bangkok à Bruxelles, en passant par Séoul et New York, après des semaines de brainstorming commun, à travers des vidéoconférences, des appels furtifs et des réflexions écrites proches du manifeste. En théorie, transposer la pratique de Korakrit en une œuvre unique sur un skateboard semblait aisé. En pratique, l'expérience fut intense. À l'image du feu qui constitue à la fois le contenu et le réceptacle de son art, nous avons été saisis par la passion et l'intensité du processus et de son dessein. Krit a peint, découpé et brûlé le denim en Thaïlande. Dans un acte à la fois de destruction et de purification. Tel un rituel de sauge brûlée. Notre studio l'a ensuite fixé sur les planches à roulettes, préalablement recouvertes d'une couche de film métallique rouge sang. Une seconde série de brûlures, d'étirements extrêmes, de fumée noire, de suie et de crépitements. C'était si intense qu'une fois la dernière édition originale terminée, nous sommes restés silencieux pendant plusieurs minutes. Comme pour reprendre nos esprits. Comme pour laisser le temps à la dernière volute de fumée de se dissiper. Voir cette édition figée dans l'espace, calme et sereine, offre un contraste saisissant.

FUME-MOI 2 - JOHN YUYI

Yuyi fait partie d'une génération d'artistes qui conjuguent à la perfection performance, utilisation de leur corps et réseaux sociaux. C'est comme si son être était la toile, la ville son cadre — en bois sombre rehaussé de dorures fines — et internet son musée. On ressent l'urgence de crier haut et fort la vivacité de ses émotions, qu'il s'agisse de joie ou de tristesse, à un public qui écoute sans plus entendre. Toute l'ambivalence de cette visibilité accrue pour chacun, la perte généralisée de l'anonymat, alors que nous restons tous des inconnus. Cette image est saisissante. L'artiste se dénude jusqu'à l'essentiel, posant nue au-dessus d'une cigarette qui se consume. Et la brûle. La forme du skateboard, ici, évoque celle d'un trou de serrure, ajoutant une dimension voyeuriste qui interroge notre rapport à l'exposition volontaire de notre vie privée dans l'espace public. Plus qu'un acte d'exhibitionnisme, il s'agit d'un cri de détresse (qui fait écho au combat de Yuyi contre l'anxiété et la bipolarité). Sur un plan plus personnel, ma rencontre avec Yuyi a été formidable. Très inspirante.

SANS TITRE (VISAGE), 1982 - JEAN-MICHEL BASQUIAT

Quand je pense à Jean-Michel Basquiat, je pense à la radicalité. Le roi de la radicalité, d'où sa couronne omniprésente. Peut-être. Il y a dans le trait une urgence, rude et épaisse, comme une bougie sur le point de s'éteindre, le dernier rite d'une liturgie mourante. Ce qui le pousse à la concision, à sacrifier le superflu et à se concentrer sur l'essentiel, à revenir aux sources. En un mot : être radical. Contrairement à nombre de ses œuvres, Basquiat ne s'embarrasse ici ni de symbolisme ni d'enluminures. Ce que l'on voit est ce que l'on voit. Et l'on y voit un visage masculin d'une viscéralité intense. Sans fioritures, certes, mais avec une profusion de détails et une superposition de grilles de lecture. Le visage, débordant de couleurs, est contenu dans un trait sombre, comme une barrière qui enferme le sujet, l'empêche de s'étendre, de perdre son temps. Un temps qu'il n'a pas. Ce manque de temps le pousse à la radicalité.

SHRED 14 (GRIS CLAIR) - MARC LESCHELIER

Lorsque Marc nous a fait part de son idée, autour d'un café au Café La Perle à Paris, une conversation à propos de Raphaël Zarka avec l'artiste et ami Jonathan Sullam m'est immédiatement venue à l'esprit. Ce qu'il proposait, c'était la transposition exacte du skateboard en œuvre d'art. Son protocole résumait l'antagonisme entre le mobilier urbain et le skateboard. À l'instar de la sculpture sur marbre, qui naît d'un bloc pour devenir une statue, il concevait ces éditions non par ajout de matière – comme la peinture par exemple – mais par soustraction. Il arrachait des couches d'encre, de peinture et de bois pour parvenir au résultat final. Le tout dans une chorégraphie chaotique, comme orchestrée par un vent furieux. Le support, d'une sobriété minimaliste, contrastait avec sa sculpture cruciforme en parpaings et ciment, créée spécialement pour l'occasion et placée au pied des œuvres. Ce lourd mastodonte gris, affalé sur le sol de notre galerie, était dominé par les éditions qui semblaient flotter au-dessus de lui. C'était la rencontre du brutalisme et d'une forme de zénith. Comme un jardin sec japonais façonné à la pelleteuse pendant un ouragan.

TANK 50/50 À TROIS BALLES (SPALDING DR. JK SILVER SERIES, WILSON SUPERSHOT) SKATEBOARD - JEFF KOONS

Voici le pape du Pop Art contemporain, héritier d'une longue lignée d'artistes qui s'étend d'Andy Warhol à Tom Wesselman, en passant par Evelyn Axell, Allen Jones et Marjorie Strider. Ses immenses sculptures de chiens, de bouquets de tulipes et autres serpents, réalisées en acier poli aux couleurs saturées, sont gravées dans la mémoire collective, comme imprégnées par le soleil se reflétant sur leur surface miroitante. Il en va de même pour ses représentations de héros de la télévision américaine tels que Popeye, Tweety et Hulk, pour n'en citer que quelques-uns. Mais cette édition est d'une toute autre envergure. Radicale au sens étymologique du terme, elle marque un retour aux racines conceptuelles de Jeff Koons. C'est sa version du Readymade/Objet trouvé : Sculpture-marchandise, œuvre chère à Marcel Duchamp. C'est en quelque sorte une vitrine pour l'une des références emblématiques de la culture américaine, à travers le basketball. Comme figée dans un équilibre précaire au milieu d'un réservoir d'eau, comme si ce symbole de l'identité occidentale était fragile et suspendu dans le temps. Mais au-delà de l'œuvre et de l'édition, c'est tout un processus extraordinaire, une collaboration étroite avec Jeff Koons, Lauran Rothstein et notre studio, qui se ressent dans cette édition. Un processus imprégné d'échanges artistiques, d'amitié et d'un sens aigu du détail partagé. Le résultat parle de lui-même. Ce triptyque en est la preuve.

DIPTYQUE TAPIS VOLANTS - TOBIAS SPICHTIG

La première image de tapis volant qui me vient à l'esprit est celle du roi Salomon. C'était un don divin qui lui permettait de se déplacer à la vitesse du vent dans n'importe quelle partie de son royaume, transportant des dizaines de milliers d'hommes. Cet objet représente la puissance, le luxe et le mystère. Le mystère d'un Orient qu'il ne faut pas perdre au risque de se désorienter, d'une magie indispensable à l'imagination et à la créativité. Mais pas seulement. Cette maîtrise des cieux symbolise le pouvoir sur la nature et sur tout ce qui se trouve en dessous. La tapisserie volante représente une libération des lois de la physique et de la gravité. Mais de même que l'orgueil démesuré de Salomon lui valut d'être rappelé à l'humilité par la déroute de son armée, Tobie nous offre un récit à deux dimensions, verticale et horizontale. Celui d'une âme qui s'élève vers les cieux et d'un corps cloué au sol. La première partie, délicatement travaillée en résine – un matériau que Tobias a découvert grâce à son père, qui l'utilisait sur les bateaux – est façonnée pour lui conférer un mouvement élégant. Le tapis lui-même semble précieux, tissé dans des tons safran, ocre et ébène. Son ampleur masque le skateboard en dessous, donnant l'impression qu'il flotte comme par magie. Un effet éthéré. La seconde est un retour brutal à la réalité. C'est un paillasson épais, rugueux, couleur paille, monochrome et monotone. Il est affalé sur le skateboard, ce qui est évident, comme si sa banalité ne laissait aucune place au mystère, à l'imagination. Lourd. C’est cette dichotomie assumée, cette dualité qui transcende l’esthétique, qui confère à la sculpture de Tobias une telle puissance et une telle force émotionnelle. Et c’est l’une de mes œuvres préférées du programme d’œuvres originales de TSR.

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